Congrès 2000 vous présente une série d’articles consacrés aux « intranscriptibles », ces incorrections qui ponctuent toutes les prises de parole, y compris des orateurs les plus aguerris. Si vous êtes sténotypiste, rédacteur de compte rendu de réunion professionnel ou occasionnel, vous y trouverez une petite trousse de secours pour les jours de grande fatigue !
Dans notre second épisode, nous nous intéressons aux barbarismes et aux solécismes. Commettre un barbarisme consiste à écorcher l’orthographe d’un mot, souvent en remplaçant ou en inversant des lettres. Rappelons que pour les Romains (de l’Antiquité), les Barbares étaient ceux qui ne parlaient ni grec ni latin.
Le terme de solécisme renvoie également à une forme de condescendance vis-à-vis de peuples estropiant la pureté de la langue. Il a pour étymologie le mot latin soloecismus dérivé lui-même du grec sóloikismos, du nom d’une colonie d’Athéniens établis à Soles pas très à l’aise– dit-on – avec le maniement de la langue grecque ! Le solécisme est une construction qui n’est pas conforme aux règles de la syntaxe d’une langue à une époque donnée. Contrairement au barbarisme, il n’y a pas d’invention d’une forme nouvelle, mais simplement l’emploi fautif d’une forme existante.
Comme M. JOURDAIN, qui pratiquait la prose sans le savoir, nous prononçons des barbarismes et des solécismes en toute innocence. Le rédacteur de compte rendu de réunion et le sténotypiste de conférences ont tout intérêt à apprendre à les détecter efficacement pour éviter de les retranscrire. Petit florilège des barbarismes et des solécismes les plus courants dans les débats !
« Demander à ce que »
« Je demande à ce que mon intervention figure intégralement au PV ! »
Bien que très fréquente, la locution « demander à ce que » est incorrecte. Cette confusion découle certainement d’un mélange de différents usages. On peut « demander à sortir », mais pas « demander à ce qu’on transcrive la réunion » !
Forme correcte → « Je demande que vous cessiez de m’interrompre ! »
« Disgression » au lieu de « digression »
« Arrêtez vos disgressions et revenez au sujet principal ! »
Il s’agit d’une confusion très courante, probablement en raison du terme « transgression »
Forme correcte → « Loin de moins l’idée de vouloir faire digression. »
« De par »
« De par mon parcours, je suis apte à postuler. »
Cette locution existe toujours dans son sens premier « au nom de », dans des formules figées comme « de par la Constitution ». Elle est aussi exacte dans « de par le monde », mais c’est tout.
Préférez-lui des formes comme « par », « du fait de », « grâce à », « étant donné », etc.
Forme correcte → « Grâce à mon expérience, je ferai un excellent directeur général ! »
« Aller sur, habiter sur...»
« Le prochain CSE aura lieu sur l’établissement de Lyon »
A moins que ledit établissement ne bénéficie d’un superbe toit-terrasse, cette phrase n’est pas correcte. Utilisez plutôt les prépositions « à » ou « dans » en fonction du contexte.
Forme correcte → « Nous nous retrouverons à Tours pour nous réunir dans les bureaux de l’entreprise »
Pallier à
« Les organisations syndicales pallient à la carence de la direction ! »
Un grand classique. Pallier est un verbe transitif direct. Par conséquent, il ne se construit jamais avec la préposition « à ». En effet, à l’origine « pallier » signifiait « couvrir d’un manteau »
Forme correcte → « Le rédacteur de compte rendu pallie souvent les erreurs de langage des orateurs ! »
Vous partager
« Je vous partage le fruit de mes recherches. »
Partager signifie au sens premier diviser, couper en portions. Par extension, il est utilisé – et de plus en plus souvent sur les réseaux sociaux ou en réunion – dans le sens d’échanger, de diffuser des informations. Quoi qu’il en soit, dans les deux sens du terme, on partage quelque chose (matériel ou pas) avec une personne !
Forme correcte → : « Cette année, les actionnaires sont unanimement d’accord pour partager les bénéfices de l’entreprise avec tous les salariés. »
« Se rappeler de quelque chose »
- d’un infinitif (se rappeler d’envoyer le colis) ;
- d’un infinitif passé (se rappeler d’avoir laissé la casserole sur le feu) ;
- d’un pronom personnel à la troisième personne (se rappeler d’elle).
Forme correcte → « Nous nous rappelons très bien votre réclamation ! »
« Suite à »
« Suite à votre fin de non-recevoir, nous déposons un préavis de grève. »
Une locution récurrente dans nos discours et messages électroniques, mais que nous avons largement amputée par souci d’économie. En effet, la locution d’origine, toujours recommandée par l’Académie française, reste « À la suite de ».
Forme correcte → « À la suite de notre dernière réunion, nous nous sommes concertés. »
- d’un infinitif (se rappeler d’envoyer le colis) ;
- d’un infinitif passé (se rappeler d’avoir laissé la casserole sur le feu) ;
- d’un pronom personnel à la troisième personne (se rappeler d’elle).
Forme correcte → « Nous nous rappelons très bien votre réclamation ! »
« Pécunier »
« Il est temps d’aborder l’aspect pécunier de ce projet. »
Si l’on parle bien d’un arrangement financier et d’une question financière, on évoquera en revanche une situation pécuniaire, mais aussi un accord pécuniaire !
Forme correcte → « D’un point de vue pécuniaire, nous sommes complètement perdants. »
« Réouvrir » au lieu de rouvrir
« Après cette interruption de séance indépendante de notre volonté, nous réouvrons les débats. »
Ah les joies et la logique de la langue française ! Si parler de réouverture des salles de spectacles est correct, le verbe correspondant est « rouvrir ».
Forme correcte → « C’est avec une immense joie que nous rouvrons la cafétéria après des mois de fermeture ! »
Cette liste n’est évidemment pas exhaustive ! Suite à la lecture de cet article, nous vous demandons à ce que vous nous partagiez vos barbarismes et solécismes préférés dont vous vous rappelez pour pallier à nos oublis !
Si vous avez raté le premier épisode des Intranscriptibles sur les tics de langage, n’hésitez pas à vous rattraper !